Anti-inflammatoires : vrais ou faux amis ?

Anti-inflammatoires : vrais ou faux amis ?

Utilisés pour soulager la douleur, les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent avoir des effets secondaires graves. Chez la femme enceinte encore plus. Voici ce qu’il faut savoir avant d’en prendre.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont utilisés pour soulager ou traiter les douleurs, la fièvre et l’inflammation. La plupart sont disponibles sans ordonnance. Les plus connus sont l’ibuprofène, le kétoprofène, le diclofénac ou encore l’aspirine, qui fait partie de cette classe de médicaments.

Les AINS entraînent de nombreux indésirables : altérations de la fonction rénale, effets sur la pression artérielle, lésions hépatiques et inhibition des plaquettes qui peuvent entraîner des saignements. Cependant, les effets indésirables les plus importants des AINS concernent les systèmes digestif et cardiovasculaire. Les effets gastro-intestinaux sont préoccupants en raison de leur fréquence et de leur gravité. Des essais cliniques récents ont également démontré un risque apparemment plus élevé de troubles cardiovasculaires chez les patients prenant des inhibiteurs de la COX-2.

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Risques pour le Foetus

L’agence nationale de sécurité du médicament a rappelé récemment que les anti-inflammatoires non stéroïdiens ne doivent pas être pris par les femmes enceintes à partir du début du sixième mois de grossesse en raison des risques de malformation pour le fœtus.

Une étude, réalisée en 2003 et 2009, montre qu’un nombre important de femmes enceintes prend ces médicaments malgré les contre-indications qui sont mentionnées sur les notices. Des médecins continuent même de les prescrire.

En pratique, il faut éviter de prendre chroniquement des AINS pendant toute la durée de la grossesse. L’aspirine peut être utilisée ponctuellement pendant les cinq premiers mois. Au-delà, l’aspirine (plus de 500 mg/j) est contre-indiquée jusqu’à l’accouchement, de même que tous les autres AINS, y compris les crèmes anti-inflammatoires par voie cutanée. Seuls les collyres peuvent être pris, car ils renferment des quantités très faibles. Il faut consulter le médecin ou le pharmacien pour les alternatives à ces médicaments.

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Risque Gastro-intestinal

L’acide arachidonique est un acide gras issu du métabolisme de l’acide linoléique, le chef de file de la famille des graisses oméga-6 (on trouve surtout l’acide linoléique dans les céréales, les huiles de tournesol, maïs, soja). L’acide arachidonique est lui-même métabolisé par deux enzymes : COX-1 et COX-2. La COX-1 est exprimée dans la plupart des tissus du corps et produit des médiateurs qui contribuent notamment à protéger la muqueuse gastrique, tandis que la COX-2 produit des médiateurs de l’inflammation et de la douleur.

Les AINS inhibent la COX-2 avec pour objectif de diminuer la douleur et l’inflammation, mais ils agissent tous aussi à des degrés divers sur la COX-1. Ainsi, la protection de la muqueuse gastro-intestinale n’est plus totale et le risque d’ulcères gastro-intestinaux est augmenté, ce qui peut conduire à de graves complications gastro-intestinales graves, dont l’hémorragie gastro-intestinale, la perforation et l’obstruction. Des études endoscopiques ont démontré que des ulcères gastriques ou duodénaux se développent chez 15 à 30% des patients qui prennent régulièrement des AINS.

En général, l’ibuprofène présente le risque le plus faible parmi les AINS, alors que le diclofénac et le naproxène présentent des risques intermédiaires, et le piroxicam et le kétorolac sont les plus à risque. Il convient de noter que l’avantage des médicaments « à faible risque » peut disparaître une fois leur dose augmentée.

Il faut utiliser la dose efficace la plus faible d’un AINS ; en effet, au-delà d’un certain seuil, des doses plus élevées ne diminuent pas plus la douleur, mais augmentent les effets indésirables. On peut aussi prescrire des protecteurs de la muqueuse gastrique comme les IPP (inhibiteurs de la pompe à protons) ou les anti-histaminiques H2 (ou les antacides), mais ils ont aussi des effets indésirables. Pour ces raisons, on conseille généralement de ne pas prescrire d’IPP de pair avec un AINS chez une personne de moins de 65 ans sauf en cas d’antécédent ou de risque gastrointestinal.

Les complications gastro-intestinales peuvent être évitées par l’utilisation d’analgésiques non-AINS, comme le paracétamol. Mais il faut garder à l’esprit que si le paracétamol présente un profil gastro-intestinal plus sûr que celui des anti-inflammatoires non stéroïdiens, il y a probablement plus de décès par paracétamol que par overdose d’ibuprofène. Un surdosage de paracétamol peut causer des complications gastro-intestinales, une hépatotoxicité mortelle, et entraîner une insuffisance rénale. Chez l’adulte, des complications digestives apparaissent à partir de 2 g de paracétamol par jour. Une seule dose de 150 mg par kilo de poids et par jour, ou de multiples doses plus faibles en 24 heures sont toxiques. Une dose de 4 g par jour peut être mortelle.

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Risques cardiovasculaires

Aux doses thérapeutiques, on pense que les inhibiteurs de la COX-2 inhibent uniquement cette enzyme, mais pas la COX-1. Le problème de l’inhibition de l’enzyme COX-2 est que des déséquilibres du métabolisme peuvent se produire, entraînant une surproduction de sous-produits nocifs pouvant endommager la paroi artérielle et provoquer une coagulation sanguine. Lorsque la COX-2 est inhibée, Le rofécoxib inhibe l’enzyme COX-2 80 fois plus que l’enzyme COX-1, alors que le célécoxib inhibe l’enzyme COX-2 seulement 9 fois plus que la COX-1. Le rofécoxib présente donc un risque cardiovasculaire élevé.

En théorie, l’ajout d’aspirine (inhibiteur de la COX-1) à un inhibiteur de la COX-2 devrait éliminer le risque cardiovasculaire. Cependant, les études montrent que la prise d’un inhibiteur de la COX-1, par exemple l’aspirine, avec un inhibiteur de la COX-2, n’empêche pas les effets indésirables cardiovasculaires observés avec les seuls inhibiteurs de COX-2.

Si les inhibiteurs de la COX-2 peuvent donc augmenter le risque d’événements cardiovasculaires, le risque diffère dans une certaine mesure selon les individus, le médicament, la dose et la durée du traitement. Par exemple, l’essai clinique APPROVe a montré que le risque n’apparaît qu’après 18 mois d’ingestion continue de rofécoxib. Le risque est plus élevé chez les patients prenant 50 mg/jour, moins élevé chez les patients recevant la dose de 25 mg et n’est pas détecté chez ceux recevant 12,5 mg. Certaines études ont suggéré que le célécoxib pourrait présenter un profil de sécurité légèrement supérieur à celui d’autres inhibiteurs de la COX-2. Le célecoxib, l’étoricoxib, et le parécoxib sont encore disponibles dans de nombreux pays. L’étude SUCCESS-I n’a montré aucune augmentation des risques cardiovasculaires du célécoxib par rapport au diclofénac et au naproxène chez 13 274 patients atteints d’arthrose.

Une étude récente incrimine l’usage chronique d’ibuprofène et de diclofénac dans la survenue d’arrêts cardiaques.

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Conclusion

Si les médicaments sont souvent indispensables pour soulager la douleur, leur prise, surtout chronique, n’est pas sans conséquence. Même s’ils sont en vente libre en pharmacie. Utilisez toujours la dose la plus faible efficace d’un AINS, et évitez d’en prendre en cas de grossesse par précaution. Attention au paracétamol qui n’est pas un analgésique aussi anodin qu’on le croit. En cas de douleurs ou d’inflammation chroniques, pensez à l’alimentation et aux compléments alimentaires naturellement anti-inflammatoires pour réduire votre consommation de médicaments.